Le théâtre romain, la tragédie au cœur de la fête
Le lecture des ouvrages de Florence Dupont m'a amené à penser la spécificité du Théâtre romain et à appréhender notre recherche en écartant tout aspect psychologique du texte.
la tragédie est un code de spectacle, non une représentation des hommes. Ce code à Rome est celui d’un rituel, « les jeux scéniques ». On ne peut comprendre la tragédie qu’en comprenant d’abord comment elle fait fonctionner ce rituel : donc non pas en partant du texte qui nous reste, et qui en lui-même ne veut rien dire, mais en réfléchissant à la performance très codifiée pour laquelle il est écrit. Un texte tragique en dehors du rituel n’est rien, ce n’est pas un texte littéraire.
La pièce est écrite à partir d'un cérémonial de deuil que l'action va progressivement pervertir : Les captives troyennes (le choeur) pleurent rituellement leurs morts. Comment donner à entendre et à voir ce cérémonial, ce rituel de deuil sur un plateau ?
A nous, donc, de chercher, par les moyens du plateau, aujourd'hui à réinventer les codes de la tragédie. Nos codes. Chercher avec le texte, le son, le souffle le sens de cette tragédie.
Sans le contexte des jeux antiques, comment retrouver l'esprit communautaire du spectacle joué lors des « ludus » (les jeux antiques romains) ?
La musique
Comme dans nombreuses fêtes (antiques ou contemporaines d'ailleurs), la musique tient une place primordiale, voire principale.
Le texte de Sénèque et sa structure nous invite à chercher du côté de la voix parlée et chantée.
Nous nous attellerons donc à explorer tous les possibles de la voix pour donner à entendre à la fois la puissance tragique et la distanciation ludique de la pièce.
Avec Clément Mirguet (compositeur de la compagnie depuis sa création, fondateur du groupe Orchester), nous chercherons le rythme, le son de cette tragédie. Un son de larmes, de deuil, de mort mêlé à celui de la fête, du spectacle, du jeu.
Le chœur
Dans les tragédies de Sénèque, le chœur est le « personnage principal ». Ici, dans les Troyennes, le chœur tient justement le rôle titre.
Un chœur de femmes, de captives troyennes qui après dix ans de guerre, pleurent leurs morts.
Comment représenter ce choeur de femmes ?Dix ans de guerre. L'absence des hommes. N'est-il pas, contrairement à l'image d’Épinal suscitée au premier abord, un regroupement de femmes soldats ?
Des femmes soldats qui chantent, qui dansent, qui s'adonnent à des rituels.
Nous irons chercher de ce côté, ensemble, acteurs, actrices.
Charline Porrone